(NE) SORTEZ (PAS) DE VOTRE ZONE DE CONFORT !
- Sortez de votre zone de confort !!
Qui a déjà entendu cette expression ?
Car je la vois régulièrement sur les réseaux sociaux et l’entends régulièrement de la bouche de managers…
Alors que signifie cette expression ?
En effet, l’idée de bousculer un équilibre pour accompagner une prise de conscience me semble intéressante dans la mesure où cela revient à faire le nécessaire pour atteindre l’objectif que l’on s’est fixé (si tant est que l’on a clarifié cet objectif).
Alors en effet, « sortir de sa zone de confort » reviendrait à se mettre en mouvement, passer à l’action, innover, découvrir de nouvelles choses, expérimenter et évaluer ce qui marche, ce qui ne marche pas etc.
Cependant, lorsque je questionne ceux qui usent (et abusent ?) de cette expression, j’ai souvent des réponses autour du sens de l’effort (le travail c’est la santé ! surtout quand c’est dur).
Sortir de sa zone de confort, c’est savoir faire l’effort nécessaire pour y arriver (à quoi ? toujours cette question de l’objectif clair et précis).
Sortir de sa zone de confort, c’est accepter l’inconfort nécessaire, le côté désagréable…
(Allez courage, on sait, c’est dur, tape sur l’épaule)
Question aux managers : comment évaluez-vous le niveau d’agréabilité/souffrance de la personne à qui vous vous adressez en utilisant cette expression ?
Car il s’agit bien de souffrance dont il est question ! Travaille dur pour réussir ! Fais des efforts ! (Hello Taibi Kahler, c’est quoi l’antidote ?)
Cela viendrait-il de la racine étymologique (archaïque ?) du travail, tripalium, instrument de torture, ou encore du concept judéo-chrétien « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front » ?
Dans ce cas si j’ai bien compris, je viens au travail pour souffrir, quelle chance !
En outre, lorsque j’entends cette expression, j’entends « sortez » et confort. Donc si l’envie est d’aller ailleurs (sortir de ?), j’inviterais volontiers à remplacer le verbe « sortir » par le verbe « aller ». Et si le confort n’est finalement pas l’objectif, alors autant le bannir de la phrase.
Sauf que voilà, lorsque l’on invite à sortir de sa zone de confort, cela revient à bannir la notion de confort.
Or notre raison d’être en tant qu’être humain, c’est justement de chercher un équilibre confortable et plaisant/satisfaisant. Une forme d’homéostasie.
L’homéostasie se définit comme une caractéristique d’un écosystème qui résiste aux changements (perturbations) et conserve un état d’équilibre. Larousse
En effet, il s’agit bien là d’une résistance au changement pour garantir un équilibre.
Je pense à ce directeur de cabinet de recrutement qui pestait contre ce mal que représentait la résistance aux changements dans ses équipes.
Attention scoop : c’est un processus normal, qu’il faut accompagner !
L’humain est « programmé » pour rechercher du confort et du plaisir… (c’est comme ça qu’il se développe et qu’il vit) alors si vous lui demandez de faire l’inverse, ne vous étonnez pas d’avoir une levée de boucliers...
(D’ailleurs, le manager qui bute contre cette résistance n’est-il pas lui-même en résistance contre un autre équilibre qui vient perturber le sien ?)
Et pour accompagner ce changement, que penser de la phrase « sortez de votre zone de confort ! » ?
Une directrice de projet m’a dit un jour « ça c’est typiquement une expression de génération X ».
Alors sans vouloir lancer le débat sur les différences générationnelles en termes de management, qui a dit qu’il fallait en baver pour réussir ? Est-ce que ça marche ?
Le sens de l’effort n’a pas la même définition pour tout le monde et chacun en a sa propre représentation.
Ainsi, lorsque l’on demande à autrui de sortir de sa zone de confort, l’interlocuteur peut entendre « fais toi du mal ! (c’est pour ton bien…) »
Je me rappelle cette manager, appréciée par son équipe, qui a demandé à l’un de ses collaborateurs de suivre une formation en prospection téléphonique « pour le faire évoluer ». Or ce dernier usait de tous les moyens alternatifs pour développer son chiffre d’affaires car il avait la prospection téléphonique en horreur.
Au lieu de pousser les gens à se mettre dans une situation inconfortable, que pensez-vous de les accompagner à étendre cette zone de confort ?
Pourquoi se faire du mal alors qu’on peut se faire du bien ?
J’ai limite envie de dire « restez y dans votre zone de confort ! si vous y êtes bien, c’est qu’il y a une bonne raison (et si un jour vous n’y êtes plus bien, alors changez de zone car celle-ci n’est plus une zone de confort) ».
Si l’humain est « programmé pour rechercher du plaisir et du confort », il en va de même que c’est dans le plaisir et le confort que l’on a les meilleurs résultats ; en gros il est meilleur dans une tâche s’il y prend du plaisir. Manque de bol, le revers de la médaille c’est qu’il va être mauvais (ou moins bon, ou de moins en moins bon) dans une tâche qu’il n’aime pas faire.
En coaching, tout comme en psychothérapie, je mets un point d’honneur à respecter l’écologie de mon client ou mon patient. C’est-à-dire que je veille à ce que ce dernier identifie sa zone de confort et travaille à maintenir (ou retrouver) un équilibre. Bien entendu, cet équilibre peut être bousculé dans un cadre confortable.
(C’est comme être dans une auto-tamponneuse avec un cockpit en coton, ça bouge et c’est tout doux).
A mon avis, il n’est ni agréable ni productif de se faire du mal ; en revanche, se faire du bien c’est chouette, ça donne envie de se lever le matin pour aller bosser et on a plus de chances d’atteindre un objectif en puisant dans la ressource plaisir.
« Oui mais le travail ce n’est pas toujours une partie de plaisir »
« Oui mais dans la vie on ne fait pas toujours ce qu’on veut ! »
Moi j’ai choisi de penser l’inverse, c’est plus aidant, c’est amusant, et mes clients et patients peuvent témoigner des résultats.
Le travail c’est fait pour s’amuser ! (je crois avoir appris ça dans Picsou Magazine quand j’étais gamin, une leçon de vie ! ;))
Surtout que pour nombreux d’entre nous, nous y passons quand même une bonne partie de notre journée, alors autant se faire plaisir, non ?
Par ailleurs, quand un manager dit « sortez de votre zone de confort », je me questionne également sur l’objectif de cette expression. Est-ce l’objectif du manager ou de son collaborateur ? Et si c’est un objectif commun, le cadre et le contrat entre ces deux protagonistes ont-t-ils été clairement définis et validés par les deux parties ?
Un autre point rhétorique : parfois l’expression « sortez de votre zone de confort » peut simplement être employée dans le but de pousser l’autre à changer car il se trouve justement dans une situation… inconfortable. Dans ce cas, il s’agit plutôt d’une erreur de langage et il vaudrait mieux dire « retrouvez votre zone de confort ».
Et si on y est dans sa zone de confort (et qu’on y est si bien), que pensez-vous de transformer l’expression en « Développez votre zone de confort ! » ?
Alors oui je joue sur les mots… ces mêmes mots que nous utilisons pour communiquer et travailler ensemble.
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